A l’origine, la coutume des ne-Kongo, le peuple de la province du Kongo central en RDC, était basée sur le patriarcat, c’est-à-dire, le pouvoir ou l’héritage se léguait entre père et fils.
Depuis quelques siècles, entre XVe et XIXe siècle de notre ère, les ne-Kongo, jadis peuple du Royaume Bantou Loango, ont adopté le système matrilinéaire. Le pouvoir ou l’héritage se transmet entre oncle et neveu, né de sœurs utérines. Par conséquent, les enfants de la sœur sont les héritiers de son frère.
Ce système est répandu dans quelques pays africains, notamment au Congo-Brazzaville, au Gabon et en Angola, des terres assimilées au Royaume Bantou Loango, qui a connu son déclin au XIXe siècle.
En RDC, ce système est répandu également dans la partie Sud-Ouest et certaines ethnies du grand Katanga et l’espace Kasaï à l’instar du peuple Tchokwe.
Zumba kayi buta mwana ku
D’après la tradition orale, le système matrilinéaire a été adopté à la suite des bavures de certaines femmes. Celles-ci se méconduisaient et entretenaient d’autres liaisons en dehors du mariage.
Dans un tel contexte, on disait qu’on n’était pas sûr que le fils soit bien celui du père. Tandis qu’on était certain que le neveu était de son sang.
D’où pour le roi l’importance de la succession par son neveu. Le pouvoir se trouve ainsi aux côtés de la Reine Mère et de la sœur du roi, le Manikongo.
Tous les proches parents du roi, c’est-à-dire Manikongo, fils ou neveu, pouvaient théoriquement briguer le trône. Mais la préférence allait à la succession matrilinéaire. Avant sa mort, le roi, le Manikongo indiquait son choix.
Le roi élu devait alors passer par un rite d’initiation poussé, avant d’investir le pouvoir aux côtés de la reine mère et la sœur du roi.
« Zumba kayi buta mwana ku [partager le lit avec une femme ne garantit pas la paternité, NDLR] », soutiennent papa Ndombele Lusevakueno et M. Lusadisu (octogénaires ne-kongo) interrogés par MCP.
« Si nos ancêtres avaient opté pour le matriarcat c’était suite à des bavures de certaines de leurs contemporaines ; la frivolité féminine ne date pas d’aujourd’hui ! A l’époque on disait qu’on n’était pas certain que le fils soit bien celui du père, par contre on avait la certitude que le neveu soit de son sang puisque ce dernier est fruit de l’utérus de sa sœur ! », ont-ils indiqué.
TRAITE NÉGRIÈRE
D’autres sources, par contre, attribuent la passation du patriarcat au système matrilinéaire à la crise économique pendant la période de la traite négrière. Les pères vendaient leurs enfants aux colons. Les oncles négociaient avec leurs beaux-frères pour racheter les enfants.
« Nos grands-parents nous ont fait savoir que nous sommes passés du patriarcat au matriarcat, parce que les oncles rachetaient leurs neveux et nièces vendus auprès des explorateurs. C’est ce qui a affermi l’autorité de l’oncle sur les enfants de sa sœur », a raconté Monsieur Franck Kamana, un notable ne-Kongo.
kiaku kiaku, kiangani kiangani
Si dans les confins du pays le matriarcat est toujours d’actualité, tel n’est plus le cas à Kinshasa, mais on peut rencontrer quelques conservateurs.
Ce système tant combattu par les colons, mais qui a toujours résisté, est en train de dissoudre actuellement « au nom de l’amour et du modernisme », d’après les impressions récoltées sur les rues de Kinshasa.
Partant d’une situation empirique, madame Soki, résidente de la commune de Selembao interrogée par MCP, explique l’abandon de cette culture en ces termes : « mon défunt mari a élevé tous ses neveux au détriment de nos propres enfants ; la retraite survenue, les nièces et neveux qui l’a tant chéris au nom de la tradition lui ont systématiquement été ingrats en se tournant désormais vers leurs pères biologiques tout en les soutenant financièrement alors que ces derniers n’ont rien fait pour eux. Ce cas n’est pas isolé et c’est même l’une des causes majeures qui a motivé l’actuelle génération à se désolidariser de cette tradition », a-t-elle déploré.
Charlie, orphelin et actuellement réparateurs des chaussures à Lutendele, a été chassé de la maison de son père par les neveux et nièces de son défunt père qui ont réclamé leur héritage selon la coutume.
« Après le décès de mon père, j’ai été mis à la porte. Je ne suis pas l’héritier légitime des biens de mon père, ce sont ses neveux et nièces », témoigne-t-il.
L’ingratitude de neveux face aux oncles bienfaiteurs confirme le dicton populaire kongo « kiaku kiaku, kiangani kiangani [Ce qui t’appartient est à toi, ce qui ne t’appartient pas n’est pas à toi] ».
Cependant, papa Ndombele Lusevakueno et M. Lusadisu cités ci-haut appellent la jeune génération à respecter la culture ne-Kongo. « Nous pratiquons le matriarcat depuis nos ancêtres, nous devons le respecter, c’est notre culture », rappellent-ils.
Un jeune interrogé, Gaby Luemba, estime que ce système est révolu. « Nous ne devons plus nous attacher à cette culture à cause du brassage culturel. Il est temps de revoir certaines choses dans nos us et coutumes », propose-t-il.
Dieumerci Kalewu
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